C'était la Boule de noyse… Compte-rendu
Une grosse fête du son et de la curiosité joyeuse, entre expérimentations et propositions scéniques insolites.
Le menu par le détail, mais sans trop de détails :
C’est préalablement préparée à la bataille que la coopérative de Noël (Ritual Boredoom prod, Poutrage, Synapsys Krew, Dézopilant et Un lys entre les épines et micr0lab) a envahi le Ludoval pour cette soirée du 22 décembre.
D'abord, un atelier de fabrication de contes de Noël avait eu lieu quelques jours auparavant, et l’accousmonium (orchestre de hauts-parleurs dédié à l'écoute spatialisée) était installé depuis la veille.
Un gros spaghetti de câbles audio de toutes les tailles, mais arrangé avec talent par l'ami Hubert, grand gourou du cinéma pour l'oreille, de manière à ce que les participants écoutant ou performant ne se prennent pas les pieds dans le tapis. L'affaire fût rondement menée, des petites tables furent disposées de manière à régaler en son les bandes de copains, des bancs, des poufs, des canaps', des tapis, pas de peaux de bêtes mais une chaleureuse ambiance de salon cosy post-armageddon. Tout était prêt pour former la scène Solstice, où scène des miniatures sonores destinés à traverser l'espace, à mettre en valeur les orfèvreries délicates élaborées par les artistes, dans le cadre d'une écoute attentive, méditative, rêveuse, en famille ou entre amis.
Mais les amateurs de gros son ne furent pas en reste, car la scène Houille, tenue par le sieur J.-E. Frognet, qui en a vu d'autres et à qui rien de fait peur, était là pour abreuver en — bons — watts et en — savantes et délicates — noyseries coreuses, entre 2 plateaux intimistes, théatraux, permettant de laisser un peu reposer les enceintes, sans pour autant arrêter de battre le fer de la stimulation performative, hein. Tout est bon dans la boule, les projets de remplissage et les premières parties, très peu pour nous. Tout est là pour t'en mettre tout ; l'implication n'est pas une question de volume sonore. Et alors quoi ? Et les deux scènes se sont parlées comme il faut, comme si on rassemblait une grande famille avec des cousins qui ne se voient pas souvent mais qui s'aiment bien. Le ping-pong des 2 scènes fonctionna ; et il n'y eu plus des amateurs de ci ou ça, mais des curieux attentifs à ce qu'on leur proposait. Il y a avait à boire et à manger, des découvertes ou des approfondissements à faire.
Les portes s’ouvrent à 17h30 pile sur les premiers visiteurs,
qui se voient remettre contre leur libre participation un ticket badgé réalisé aux couleurs de la soirée dans les presses de l’Ecluse. Orga et amateurs, tous portaient les mêmes couleurs, exception faite de la couleur. La prochaine fois, tous mélangés, l'orga serait public et le public orga ; une bien belle Situation. Le prix libre semble être désormais chose acquise ; sans rentrer dans le débat autour du prix libre contre PAF fixe, on peut saluer les copains de l'Ecluse qui ont organisé depuis un an un bon paquet d'évènements en prix libre, donnant l'exemple dans une ville de scènes nationales et de subventions, ou culture rime avec budget, qu'il est possible de faire autrement. Car il n'y a eu que des bonnes surprises à ce niveau ; oui, on peut faire un gros truc sans demander un gros billet, et non, le public n'est pas bête et sait que le spectacle a toujours un coût et que c'est bien de donner quelque chose au lieu de « resquiller » ; non, ça ne remet pas en cause la profession d'artiste, chacun est libre de fixer les conditions de son exercice, le prix libre ne casse pas les prix sur la création. Le débat est ouvert, et sur cette question complexe la coopérative n'a pas un avis unique ; par contre, tout le monde est d'accord sur le fait comptable : la soirée a été fréquentée, et a bien fonctionné d'un point de vue économique, et permet d'en envisager d'autres.
Didier ouvre le conte, vite rejoint par les improvisations spontanées de Many Mailly, Pays, Facile, Pier, des enfants, des inconnus, et s’enhardit, alpaguant et interpellant le public naissant, qui s’aventure à monter sur scène, le tout sous la direction d’Hubert, qui commence à faire vrombir son orchestre.
Décrire à un moment les lieux : le visiteur fourbi pouvait s'allonger, lire, jouer, papoter, rencontrer quelqu'un et lui compter fleurette, revoir de vieux amis, faire sa vie ; la dessus la production ne s'était pas engagé et laissait l'initiative de la programmation à chacun.
Enchainements tantôt en transitions fondues tantôt en chauds/froids ; un Ludoval rempli comme c'est pas si souvent, et qui avait par moment des airs de Grand Messe Sympathique, comme pendant le set de Thomas Dupouy/Facile, par exemple, ou l'ange qui passait prenait aussi son temps pour fermer les yeux et écouter les circonvolutions du son et les battements de fréquence. Un moment superbe pour certains, chiant pour d'autres, c'est le jeu.
La troupe Un lys entre les épines inaugure la scène Houille avec son interprétation de Comme un lis entre les épines, de Fernando Arrabal. Un spectacle total, mais ce n'est qu'un début ! Dès la fin de la pièce, le public est accueilli par Hubert Michel, qui leur explique brièvement l'intérêt et le rôle de son accousmonium avant de les inviter à s’installer sur les coussins, canapés et autres chaises à cet effet. S’ensuit une interprétation de quelques titres de musique concrète de son cru. Et puis c'est de l'organon, du PJL, de la Mink, du HEEM, du Pennequin (par télé-conférence !), du ISaAC, du Novosibirsk, du CasseGueule, du Synapsys ; du gros son et du ptit son, du noiseux et de l'éthéré, du rythmeux et du droneux, de la poésie sonore et du son poétique ; du furieux et du délicat, des tas de trucs très sincères, faits avec le bide et le cerveau, et toujours tournés en définitive vers le lumineux ; du chaos de la diversité la beauté de l'unité. — c'est une secte, ils parlent d'amour et de trucs francs-maçons —. Ce qui est sûr, c'est qu'il y eut des chocs et des glissements d'univers, construisant la galaxie sonore et performative de la soirée, diverse, foisonnante, comme un beau foutoir organisé de Noël, une grande brocante de l'expression ; la cohérence est faite par les collectionneurs et les scientifiques, pour punaiser les papillons, ici on était plutôt là pour se laisser voguer sans ranger derrière ; tout aimer, surement pas ; chacun aura son petit avis, son petit préféré, sa petite déception ; ça fait de quoi ramener à la maison, ça fait des souvenirs — et on est d'accord, pas besoin de programme de formation pour apprécier l'art le plus barré, hein — — et on est d'accord, celui qui regarde fait autant l'oeuvre ou le spectacle que celui qui fait le spectacle, le spectacteur FAIT — ou défait — son oeuvre à partir du matériau qu'on lui propose ; de quoi remettre un peu l'artiste à sa place, hein, parcequ'on l'aime bien — l'artiste, mais dès fois il faut se le cogner aussi l'artiste, hein — ; entre délicatesses et fureurs, donc, souvent en marges des codes, des scènes auxquelles chaque projet s'affiliait ; c'était bien une thématique de ce drôle de rassemblement ; proposer de l'expérience sans ronrons ni flonflons, mettre tout le monde au même niveau, faire de la pratique artistique la plus baroque une activité comme une autre, comme regarder un film à la télé ou boire une bière avec des copains ; et peut être donner envie à des gens de s'embarquer dans leur propre aventure créative, si si… la soirée idéale où il n'y aurait plus d'artistes, plus que des artistes ? Elle fait rêver celle-là. Une grosse partie fine entre esthètes décomplexés. Il y avait déjà un peu de ça, entre nous. Ça grouillait. Et il y en aura encore ? D'une manière ou d'une autre oui, hein, tant qu'il y a des gens pour faire et entendre, pas de soucis à se faire, même pas besoin de coopérative, hein, même si on aime bien noyser noël ensemble.
les tables étaient garnies plus que de dindes pour ce Noyel ///
Le "vous" — "nous" n'existe que sur le papier. ///